lundi 23 janvier 2012

Paula Scher

On connaît surtout Paula Scher pour ses affiches, pochettes d'album, projets éditoriaux ou de packaging. Née en 1948, elle devient une des figures de proue dans le retour graphique du rétro dès les années 1980, avant de rejoindre le prestigieux studio Pentagram en 1991.
C'est aussi à cette période qu'elle commence un travail personnel, exploration géo-graphique du planisphère avec une série de cartes annotées. Commencées de manière anecdotique, comme un gribouillage obsessionnel, ces cartes dessinées à la main et sérigraphiées prennent vite une dimension monumentale. Ici, l'exactitude topographique se trouve plus dans l'accumulation des noms que dans la mesure de l'échelle juste. Paula Scher accumule les données écrites et ne laisse pas un millimètre carré au hasard : en dehors des toponymes, on trouve des faits historiques ou techniques, notamment quand elle cartographie le tsunami (3e carte). Une tentative compulsive de dire le monde qui donne un résultat graphique saisissant.





Pour voir plus de cartes, et surtout de meilleures images dans lesquelles on peut se promener pour observer les détails : le site Paula Scher Maps
Et en livre, Paula Scher MAPS : Paintings, Installations, Drawings and Prints, chez Princeton Architectural Press.

jeudi 18 août 2011

Alex Katz

Un artiste du Pop Art qui a le bon goût de savoir s'en détacher. Né à Brooklyn en 1927, Alex Katz crée des portraits d'une certaine sobriété, au style quasi photographique. Malgré ses couleurs vives, on le rapprocherait plus d'Edward Hopper que d'Andy Warhol, et  ce n'est pas un mal. Dans son travail, on retrouve une certaine volonté de témoigner d'un milieu, d'une époque, mais de façon moins spectaculaire que chez l'artiste de la Factory. Tout en restant figuratif et fidèle à une esthétique très personnelle, Alex Katz, par des teintes et des cadrages souvent inattendus, fait un pas vers l'abstraction. Mais un pas, seulement. Bref, un artiste intéressant qui gagnerait à être plus connu qu'il ne l'est en France (à mon avis).
Pour en savoir plus : http://www.alexkatz.com/







vendredi 8 avril 2011

Du web, mais pas que

En février, Beaux-Arts Magazine consacrait un dossier aux 50 meilleurs sites d'artistes. Parce qu'en dehors de ceux qui s'exercent à proprement parler au mail-art ou à la création numérique, il y a aussi ceux qui ont tout simplement compris l'enjeu d'avoir un site digne de ce nom, quelque chose qui parle de leur travail sur la toile.
Parmi cette sélection, quelques liens qui méritent particulièrement le détour : 



Le Belge Wim Delvoye  crée un véritable monde virtuel où sont installés la Cloaca qu'on ne présente plus, la porcelaine revisitée, les célèbres tatouages sur truie (mais pas que), et bien d'autres merveilles…
Le site de Jackson Pollock, interprété par Miltos Manetas, propose une vraie séance de "dripping" sans se salir les doigts, chouette.
Fabrice Hyber, quant à lui, construit son site comme son œuvre, en rhizome. "Impossible is not french", dit-il…
De son côté, Jenny Holzer propose de découvrir sa poésie par des projections en contexte.
Plus classiques, JR et Banksy donnent libre accès à une grande partie de leur travail, street art oblige. J'ai une grande préférence pour le site de JR, riche en vidéos où les œuvres sont mises en valeur. De quoi donner envie d'aller voir ou revoir Women are heroes (pour JR) ou Faites le mur ! (pour Banksy), tous deux sortis récemment.
Et puis dans le genre beau mais classique, Ed Rusha privilégie son travail récent et met de côté (c'est dommage), ses livres d'artistes.
Enfin, Claude Closky expose son pari de réaliser un dessin par minute. Moui.
De quoi faire un petit tour, en tout cas…



mercredi 30 mars 2011

General Idea


Il y a de tout dans cette « Idée générale » : de la chorégraphie en collants lamés, des panoplies de caniche, du graphisme, de l’installation, du petit commerce, de la culture de masse. C’est tout le propos du trio canadien General Idea, fondé en 1969 et décimé quelques années plus tard par le sida. Pour faire ce grand écart allant du grand guignol au critique, AA Bronson, Félix Partz et Jorge Zontal ont gardé leurs collants, bien obligés.
Pendant ses années d’activité, le collectif s’est activé à décortiquer le fonctionnement de la société contemporaine pour mieux s’en approprier les outils. On peut parler de General Idea comme on le ferait d’une personne puisque les trois individus se sont justement attachés à disparaître derrière cette créature qu’ils avaient créée, tantôt Miss General Idea, improbable et inexistante égérie glamour, tantôt présence invisible parasitant les medias. Pour ça, ils ont multiplié les actions : pastiches de publicités célèbres…

De magazines grand public…  transformant Life en File, pour en faire un outil de partage entre artistes canadiens.

 

D’œuvres d’art… plagiant le célèbre Love de Robert Indiana pour changer l’amour en sida, à l’image de ce mal qui marque la décennie 80.

Ils parlent de sexe aussi, peut-être plus que l’exposition ne voudrait le faire croire, dans un registre camp et kitsch à souhait… on retrouve les caniches sous différentes formes, et surtout dans toutes les postures. Compagnons de garçons coiffeurs certes, mais aussi bêtes à concours et bêtes de sexe : autant de postures qui remettent en question la société patriarcale et sa structure. Cassant tout ça avec un bel enthousiasme blagueur, ils proposent une perspective nouvelle sur la création, dans un espace où tous ces codes sont mis à distance.


L’idée générale, la voilà ; pour creuser, il faut aller voir l’expo « Haute cuture – General Idea, une rétrospective 1969-1994 ». C’est au musée d’art moderne de la Ville de Paris jusqu’au 30 avril.


mercredi 9 février 2011

Paper geek



Marion Bataille, ABC3D puis 10, tous les deux chez Albin Michel. Miam !

lundi 10 janvier 2011

Texte # 6

Le pigeon, pourtant.
Le pigeon couard, fourbe, sale, fade, sot, veule, vide, vil, vain.
Jamais émouvant, profondément inaffectif, le pigeon minable et sa voix stupide. Son vol de crécelle. Son regard sourd. Son picotage absurde. Son occiput décérébré qu'agite un navrant va-et-vient. Sa honteuse indécision, sa sexualité désolante. Sa vocation parasitique, son absence d'ambition, son inutilité crasse.
Incomparable au moineau qui détient du charme, au merle qui sait donner de la voix, au corbeau qui n'est pas sans classe, à la pie qui possède un style, pire que le charognard qui a au moins un but dans la vie, aussi sensuel qu'un rat, aussi racé qu'un taon, moins élégant qu'un ver, encore plus con que le catoblépas.
On tuerait un pigeon sans guère plus d'état d'âme qu'on écrase une blatte, il est cependant si nul qu'on s'en abstient. Par paresse ou par amour-propre, on se retient de lui donner un coup de pied sauf pour prendre un peu d'exercice et encore, il n'en est même pas digne, on ne voudrait pas risquer de souiller son soulier. Et qu'on ne m'objecte pas que, voyageur, il a rendu quelques services en temps de guerre, encore heureux qu'il ait trouvé un tout petit rôle de mécanique volante.
Saleté de pigeon, même pas bon à manger, écœurant sur son lit de petit pois farineux. Mais c'est pourtant bien lui qui est en train de devenir le plat favori de Gregor et bientôt le seul, l'inventeur finissant par se nourrir exclusivement, solitaire dans sa petite chambre, du blanc de l'animal qui borde son bréchet. Bizarre.
Jean Echenoz, Des éclairs, Éditions de Minuit, 2010.