mercredi 7 juillet 2010

Errance



A. Action de marcher, de voyager sans cesse (cf. errant). La longue errance d'Israël à travers le désert du monde touchait-elle à sa fin ? (THARAUD, An prochain, 1924, p. 266).
B. Action de marcher sans but, au hasard. Ne cherche plus de but désormais à tes interminables errances (GIDE, Nourr. terr., 1897, p. 244) :
Comme les serviteurs d'Abraham, les bergers de la montagne sont voués aux soins de leurs troupeaux, et attachés à l'errance de leurs bêtes.

Cette errance, Raymond Depardon cherche à la définir à travers un cheminement à le fois littéraire et photographique.
Pour lui, elle se situe dans la quête du lieu acceptable, mais aussi dans l'élaboration d'un certain regard photographique. Il part donc, au hasard des routes, évitant surtout de créer un itinéraire pour mieux créer sa perte, évitant aussi les lieux qu'il connaît ou qui lui sont faciles pour ne plus s'assurer que d'une chose : le manque de balises, le déplacement sans point d'ancrage, un regard posé sur le monde pour seul guide.
Il y justifie son choix d'un format qui n'est précisément pas celui du paysage ; sans doute s'empare-t-il de ce qu'il voit comme s'il s'agissait toujours d'humains.

Il est difficile de dire ce qu'est réellement Errance ; c'est la négative qui s'impose comme une évidence. À coup sûr, ce n'est pas un reportage qui traque le témoignage de l'événement. Il ne s'agit pas non plus, contrairement à son travail sur La Ferme du Garet, d'un travail autobiographique. on sait donc ce qu'Errance n'est pas. Reste à dire que si l'auteur ne cherche ni le fait, ni ses origines, ni la perfection des formes, c'est malgré tout une quête qui se joue là, menée avec calme et détermination, obstination peut-être.



On reconnaît volontiers certains coins comme étant les "siens", non pas forcément qu'on les ait fréquentés, même brièvement, mais parce qu'on s'y retrouve instinctivement. Certains plaisent, d'autres non. La laideur a droit de cité dans ce parcours, malgré l'aspect très lissé des images. Il y a là autant de parkings de supermarché que de lieux mythiques, et les images les plus appréciées ne sont pas forcément les plus attendues. L'errant semble habiter ces espaces que nous ne voyons plus, ni villes ni campagnes, entre-deux dépouillés de sens.

Comment Depardon se déplace, dans quel sens, dessinant quelle trace, nul ne le sait, même pas lui. Il n'empêche : on le suit, et à force de perdre, les rencontres se font.

Errance, Raymond Depardon, Le Seuil, coll. Points (un poche avec des photos, oui), 2004.
Les photos reproduites ici sont dégueulasses, pardon Raymond.