dimanche 24 octobre 2010

Du baroque

Un nouvel envoi de Dear Old Thing, en poésie et peut-être en musique prochainement, si on trouve...

Une poésie baroque (probablement par Honorat de Porchères Laugier?), mise en musique par Antoine Boesset en 1642.

Objet dont les charmes si doux
M'ont enchaisné sous votre empire
Lors que je suis absent de vous
Mes pleurs tesmoignent mon martyre
Et quand je revoy vos appas
Un excez de plaisir me donne le trespas

Qui veut garder sa liberté
Doit s'esloigner de vostre veüe
Il n'est ny grace ny beauté
Dont le ciel ne vous ait pourveüe
Et la conqueste d'un amant
Ne couste à vos beaux yeux qu'un regard seulement

Doncques pour esviter la mort
Quelle fortune dois-je suivre?
Sans vous je m'afflige si fort
Qu'il m'est impossible de vivre
Et quand je revoy vos appas
Un excez de plaisir me donne le trespas

samedi 2 octobre 2010

Texte # 5

Dévêtir la femme que l'on presse contre soi est une opération délicate, nécessitant un apprentissage poussé et un entraînement assidu. La gaucherie est fatale, les faux mouvements impardonnables. Tout doit s'accomplir en souplesse, sans impatience. Un ongle qui s'accroche, des doigts qui s'exaspèrent sur une fermeture récalcitrante, et le charme se rompt. De Casanova, tu passes connard en deux coups les gros, mon pote !
L'homme à femmes, tout comme un pickpocket, doit s'exercer sur un mannequin lesté de grelots avant de passer à l'action. Le point le plus névralgique, c'est le soutien-gorge. La chierie ! Il existe beaucoup de modes d'agrafages. Et c'est minuscule, ces saletés ! J'ai suivi des cours chez un baron belge un tantisoit ruiné qui possédait une collection exhaustive de tous les modèles de soutiens-loloches. Ses doigts d'aristo se fascinaient lorsqu'il faisait sauter pressions ou menus crochets.
"- De la gauche ! prônait-il. Le bras droit enserre la taille, il fait prisonnier. La main gauche butine. Elle erre sur le cou, remet en place des cheveux fous près de l'oreille, dévale l'épaule, plonge en arrière, reconnaît le terrain. Au premier toucher, le conquérant doit identifier la marque du soutien-gorge et par conséquent se référer mentalement à son système de fixation. Ne jamais utiliser le pouce, beaucoup trop balourd, c'est l'empoté de notre main, le pouce, le gros benêt dont on n'est jamais sûr. De préférence, se servir de l'index et du médius en les activant de l'intérieur. Le dégrafage doit s'opérer immédiatement, sans le moindre tâtonnement préjudiciable au climat qui s'est instauré. Certains soutien-gorge ne comportent qu'une seule fixation, ça c'est du gâteau. Mais la plupart en ont deux. Le fin du fin est de parvenir à libérer simultanément les deux crochets ; on y arrive au bout de quelques années d'expérience. La chienlit vient de ceux qui, par trop sophistiqués, ont des fermetures multiples, implantées souvent en diagonale. Dans ces cas périlleux, ne pas perdre son sang-froid. Aussitôt identifiés, ne cherchez pas à forcer votre talent. Mine de rien, prenez dans votre poche le canif pourvu de minuscules ciseaux que vous aurez préalablement dégagés de leur encoche. Vous coupez délibérément la bride avant la fermeture en faisant très attention que l'acier de l'instrument n'entre pas en contact avec la peau brûlante (ou supposée telle) de votre partenaire. Surtout, que les mâchoires des ciseaux ne mâchouillent pas la bride ; pour pallier la chose, veiller à ce que les lames soient constamment affûtées.
Un boucher saurait-il débiter l'escalope avec une lame ébréchée ?
Si vous agissez convenablement, la dame ne s'apercevra du forfait qu'au moment de remettre son soutien-chose, c'est-à-dire lorsque vous n'en aurez plus rien à foutre et où il vous sera loisible de lui mettre deux tartes dans la gueule au cas où elle rouscaillerait avec trop de véhémence."

Frederic Dard (San Antonio), L'Année de la Moule (grande classe).