mercredi 28 janvier 2009

Eloge de la Créolité, par A.M.

« Nous devons nous habituer à l’idée que notre identité va changer au contact de l’Autre »

Edouard Glissant


Je reprendrai ici les mots et concepts d'une poignée d'auteurs qui ont -à mes yeux- écrit et pensé le monde de la façon la plus juste ces dernières années.


Ce qui ici me paraît intéressant -et donc à partager- c'est la façon dont ces deux auteurs: Patrick Chamoiseau et Edouard Glissant décrivent cette volte habile et rusée qui du néant et de la violence a su faire surgir la Créolité, premier maillon du Tout-Monde dans lequel nous vivons aujourd'hui.


Avec le système plantationnaire les Colons blancs ont pensé et mis en oeuvre la réunion de divers peuples : indiens caraïbes, africains de multiples ethnies dans un même lieu et sous l'égide absolu de la division.

Conception humaine entérinée par des années de gouvernement machiavélique : divide ut regnes.

Mettez dans un même lieu des peuples de cultures et surtout de langues différentes, et placez le tout sous la domination violente d'une culture et d'une langue étrangère qui se veut supérieure.

A partir de là, comment imaginer ne serait-ce que la possibilité de la moindre révolte contre l'ordre établi dans ce chaos babélien de langue et de culture ?


Et pourtant...


De là, de ce mélange forcé, de cette "mise en convergence massive, brutale et accélérée de peuples, de langues et de culture diverses", de ce processus de créolisation résulte la Créolité.


Et cette Créolité, c'est cette richesse incroyable dont tentent de témoigner Glissant et Chamoiseau à travers leurs oeuvres. (Mais aussi Raphaël Confiant, Jean Bernabé, Maryse Condé, Simone Schwartz-Bart, Alex Gauvin...)


C'est la possibilité de naissance au milieu de nulle part, au milieu d'une volonté même d'écrasement de toute possibilité, d'une culture de survie, d'une culture marquée par la domination, d'une culture d'une richesse inégalable.


« La Créolité est l'agrégat interactionnel ou transactionnel, des éléments culturels caraïbes, européens, africains, asiatiques, et levantins, que le joug de l'Histoire a réunis sur un même sol. (...) Nous avons goûté à toutes les langues, à toutes les parlures. Craignant cet inconfortable magma, nous avons vainement tenté de la figer dans ailleurs mythiques (regard extérieur, Afrique, Europe, aujourd'hui encore, Inde ou Amérique), de chercher refuge dans la normalité close des cultures millénaires, sans savoir que nous étions l'anticipation du contact des cultures, du monde futur qui s'annonce déjà. Nous sommes tout à la fois, l'Europe, l'Afrique, nourris d'apport asiatiques, levantins, indiens, et nous relevons aussi des survivances de l'Amérique précolombienne. La Créolité c'est le monde diffracté mais recomposé, un maelström de signifiés dans un seul signifiant : une Totalité. (...) la pleine connaissance de la Créolité sera réservée à l'Art, à l'Art absolument. »

Eloge de la Créolité, 1989.







Patrick Chamoiseau est né à Fort-de-France en Martinique en 1953, il est connu en France pour son roman Texaco prix concourt 1992. Il y a vingt ans aux côtés de Raphaël Confiant et Jean Bernabé il publie Eloge de la Créolité : manifeste artisitique, littéraire, politique du mouvement du même nom.












Edouard Glissant est un écrivain, essayiste, poète martiniquais né en 1928, qui a publié de nombreux ouvrages sur les Antilles : romans, poésie ou enquêtes sociologiques.










Un peu de sagesse créole dans la langue : Balyé bo la pot ou!

1 commentaire: