mercredi 16 septembre 2009

La chose génitale


Désiré-Magloire Bourneville et Paul Regnard,
Attaque d'Hystérie, Première Phase, vers 1877.
Planche 2 de l'Iconographie Photographique de la Salpêtrière
Institut de France

"Je songe à ce qu'en dit Freud dans Malaise dans la Civilisation sur le redressement de l'animal à quatre pattes : lorsqu'il se met debout, le singe devenu homme perd l'odorat. En clair, ses organes sexuels s'éloignent de ses narines. Seul le coït, dit Freud, redonne à l'être humain le sens et le goût des humeurs de sexe. Il y faut un "lâcher-tout" qui n'est pas sans rapport avec la transe ; et comme dirait le professeur Charcot à propos des crises d'hystérie qu'il suscitait sous les yeux du jeune Freud à Paris, "il y a de la chose génitale là-dedans"."
Dans Le Féminin et le Sacré, Julia Kristeva et Catherine Clément reprennent ces propos de Charcot sur l'extase des femmes à la Salpêtrière.

Désigner la "chose génitale" dans l'hystérie, c'est d'abord se référer à l'étymologie du terme, liée au terme d'utérus. Jusqu'au XIXe, on pensait en effet que l'hystérie était une pathologie due à la remontée de l'utérus dans le corps.
Mais désigner cette chose monstrueuse, c'est aussi rappeler que, socialement (et sous certaines influences religieuses), la place des organes fait aussi office de hiérarchie. En haut, le noble : la tête où siège la pensée, la séduction chaste de la chevelure, les yeux (paraît-il fenêtres de l'âme), les larmes. En bas, l'ignoble : les déchets corporels, l'ancrage dans la terre, et le siège qui est aussi au principe des pulsions (paraît-il animales)...
Dans l'hystérie, quand la femme se change en bête, il ne pouvait y avoir que de la chose basse et animale. Mais pourquoi la femme en particulier?
La femme, c'est le sujet d'étude du docteur Charcot, psychiatre à la Salpêtrière à la fin du XIXe siècle. Il s'intéresse alors à l'hystérie, crée une ville psychiatrique dans Paris, tente de comprendre et de classer les pathologies en "types". Pour ce faire, il installe un service photographique dans ses locaux et élabore une iconographie des "folles".

Dans L'Invention de l'Hystérie, Georges Didi-Huberman s'intéresse plus au médecin et à sa démarche qu'aux patientes de la Salpêtrière. Il interroge ce lien étrange entre celui qui soigne, observe et parfois contemple ses innombrables modèles- autour de 4000 femmes étaient alors enfermées là. En effet, Charcot fit plus oeuvre d'exhibition que de guérison. Dans ses fameuses "leçons du mardi", on se presse pour voir et entendre les folles, on classe, on désigne.
Georges Didi-Huberman tente de décripter cette micro-société basée sur le spectacle et sur l'image, rendue possible par les progrès de la photographie.
Quand il parle d'Invention de l'Hystérie, l'auteur pense le terme "inventer" comme créer, puis comme imaginer- abuser déjà de cette création-, et enfin comme trouver (comme on invente un trésor), c'est-à-dire tomber sur la chose par hasard.
De toute évidence, Charcot serait alors tombé sur une chose génitale. Ah tiens.

Je vous le conseille donc: Invention de l'Hystérie, Charcot et l'Iconographie Photographique de la Salpêtrière de Georges Didi-Huberman.

1 commentaire:

  1. merci Margot, ça a l'air passionnant. moi, je ne me sépare jamais de mon hystérie.je vais acheter ce livre illico. biz

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